LOI DE FINANCES POUR 2000
Les députés soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 2000 et lui demandent de la déclarer non conforme à la Constitution pour les motifs ci-dessous énoncés :
I. - Absence manifeste de sincérité
de la loi de finances pour l'année 2000
Le Conseil constitutionnel a, dans sa décision no 94-351 du 29 décembre 1994 (Rec. p. 140) relative à la loi de finances pour 1995, confirmée par sa décision no 95-369 DC du 28 décembre 1995 relative à la loi de finances pour 1996, rappelé l'obligation faite au Gouvernement de respecter le principe de sincérité budgétaire et donc son obligation d'information pleine et entière du Parlement sur l'état de nos finances publiques.
Ce principe de sincérité s'applique à la loi de finances dans son ensemble, c'est-à-dire en tant qu'acte de prévision comme en tant qu'acte d'autorisation.
Or, la loi de finances pour l'année 2000 adoptée définitivement le 21 décembre 1999 méconnaît de manière évidente ce principe de sincérité sur ces deux volets de l'acte budgétaire et met manifestement en cause la substance même de l'équilibre économique et financier sur lequel les parlementaires sont appelés à se prononcer.
A. - Absence de prévisions budgétaires sincères
pour l'exercice 2000
1. La loi de finances 2000 sous-évalue les recettes de l'Etat pour l'exercice à venir :
Le budget étant établi par principe pour le prochain exercice, il est nécessaire d'évaluer à l'avance avec le maximum de précision, la nature et le montant des dépenses à effectuer et l'importance des recettes qui pourront être recouvrées. Ce n'est qu'à cette condition que le Parlement, représentant de la nation, pourra réellement déterminer la charge qui va peser sur les contribuables et donner en conséquence un consentement éclairé. C'est également pour cette raison que l'aspect prévisionnel du budget revêt un caractère obligatoire en finances publiques.
Or, la loi de finances pour 2000 ne répond pas à cette obligation de sincérité de la prévision concernant son volet recettes du fait de la conjonction de deux éléments :
La sous-estimation certaine des plus-values de recettes fiscales pour l'exercice 1999 et, par voie de conséquence, le niveau global des recettes fiscales brutes de l'exercice 2000
Ce chiffrage des plus-values de recettes de l'année en cours est un élément essentiel de calcul des prévisions de l'exercice budgétaire à venir. Il a, en effet, un impact direct sur le montant des recettes inscrites en loi de finances initiale et influence mécaniquement le volet recettes de l'exercice 2000, donc l'équilibre budgétaire.
Or, le Gouvernement a volontairement minoré les plus-values de recettes fiscales brutes pour l'exercice 1999 et donc sous-estimé le montant des recettes fiscales brutes inscrites en loi de finances 2000.
Tout au long de l'examen du projet de loi de finances pour 2000 au Parlement, le Gouvernement s'est référé aux plus-values de recettes pour 1999 calculées sur la base des estimations du mois de juillet dernier, utilisées lors du cadrage budgétaire gouvernemental.
Sur la base de ces estimations calculées à la moitié de l'exercice budgétaire, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a estimé à 11,2 milliards de francs les plus-values de recettes fiscales pour 1999 par rapport à la loi de finances initiale, auxquelles il convenait de soustraire le coût des mesures d'allégements fiscaux contenues dans la loi de finances 2000 et applicables dès le 15 septembre 1999, à savoir la baisse de TVA sur les travaux d'entretien et de rénovation dans les logements et la baisse des droits de mutation, représentant, d'après le Gouvernement, 5,2 milliards de francs de pertes de recettes fiscales sur trois mois et demi. Le Gouvernement présentait donc, en septembre, un solde de plus-values de recettes de 6 milliards de francs.
Or, dès le mois de septembre, cette réévaluation des recettes fiscales nettes de l'Etat au titre de 1999 paraissait nettement insuffisante entraînant mécaniquement une sous-évaluation incontestable du montant total des recettes fiscales attendues en 2000.
D'ailleurs, cette insuffisante révision des recettes de l'Etat au titre de 1999 a été dénoncée tant dans les développements consacrés à cette question par M. Philippe Marini, rapporteur général du Sénat (rapport 1999-2000, no 89, tome I, p. 92-96), que dans les interventions des orateurs de l'opposition lors de l'examen, en première lecture, du projet de loi de finances pour 2000 à l'Assemblée comme au Sénat.
En effet, l'analyse approfondie de l'exécution des derniers exercices budgétaires depuis 1995 montre que le ratio entre les recettes fiscales brutes encaissées au 31 juillet, base de l'évaluation gouvernementale, et les recettes fiscales brutes totales en fin d'exercice est à peu près constant et se situe entre 57,2 et 57,7 %.
En conséquence, si l'on calcule le montant des recettes fiscales 1999 sur la base des hypothèses basses et hautes de ce ratio, les recettes brutes pour 1999 devraient osciller entre 1 884,2 et 1 901,7 milliards de francs.
Après déduction du coût des mesures fiscales applicables à compter du 15 septembre 1999, 5,2 milliards de francs et prise en compte des remboursements et dégrèvements sur la base de l'exercice 1998, on aboutit à un niveau des plus-values de recettes fiscales nettes au titre de 1999, qui se situe entre 20 et 35 milliards de francs, soit un chiffre au moins trois fois plus élevé que l'évaluation gouvernementale.
La seule raison qui pouvait conduire le Gouvernement à réviser aussi peu le montant des recettes fiscales attendues en 1999 tient au léger fléchissement conjoncturel observé au début de cette année, conséquence des crises financières internationales passées.
Or, il n'est pas imaginable que le Gouvernement ait calculé ses hypothèses de recettes 2000 sur la base de la conjoncture observée au début de l'année 1999, dans la mesure où celui-ci anticipait un phénomène passager et temporaire. D'ailleurs, l'expression de « trou d'air » utilisée par l'ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie pour qualifier ce fléchissement de la croissance en atteste.
Ses propos tenus lors de la discussion générale de la première lecture de la loi de finances pour 2000 à l'Assemblée nationale le confirment (JO, Débats Assemblée nationale, 1re séance du 19 octobre 1999, p. 7578) : « La crise russe aurait certes une influence, mais qu'elle ne causerait qu'un "trou d'air" (...) et que nous retrouverions assez vite le rythme de la croissance. »
Facteur aggravant pour le Gouvernement, le caractère temporaire et passager de ce fléchissement conjoncturel avait été prévu plus tôt encore dans l'année 1999. En effet, en mai, dans le rapport sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques, le Gouvernement soulignait : « L'économie française devrait renouer dès le second semestre de 1999 avec une croissance soutenue. Les derniers indicateurs conjoncturels indiquent l'arrêt de la dégradation du climat dans l'industrie et confirment la vigueur de la consommation. » Ainsi, pour ne prendre que l'exemple de la consommation en produits manufacturés, le rapport reconnaissait sa croissance exceptionnelle au premier trimestre de 1999 (proche de 6 % en glissement annuel).
Dès le mois de mai, le Gouvernement savait que le phénomène de « trou d'air » était donc non seulement passager mais qui plus est quasiment terminé, ce que confirmaient tous les conjoncturistes, que la reprise sur la deuxième moitié de l'année serait soutenue. Il n'y avait donc aucune raison de sous-estimer aussi fortement le montant prévisionnel des recettes fiscales attendues en 2000.
En outre, le fléchissement de la croissance n'avait eu aucun impact sur les rentrées de recettes fiscales, bien au contraire. L'ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le soulignait lors de la même discussion générale à l'Assemblée : « La croissance est en effet un peu moins forte que prévu, mais les recettes, loin de ne pas être au rendez-vous, sont excédentaires. »
Dans l'exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2000, le Gouvernement évoquait le « niveau élevé des recettes fiscales perçues au premier semestre de 1999 : + 7,8 % par rapport à la même période 1998, contre + 5,7 % prévus en loi de finances initiale ». S'agissant de l'impôt sur les sociétés, la progression était encore plus spectaculaire (+ 33 %). Ce phénomène doit être souligné avec d'autant plus d'insistance que la croissance avait faibli par rapport au rythme de 1998 (+ 3,2 %).
Il apparaît clairement que le Gouvernement a volontairement minoré ses révisions de recettes fiscales tout au long de 1999 au point de vider de son sens le projet de loi de finances pour 2000 avant même que celui-ci ne soit voté par les deux assemblées.
En effet, dès la fin du mois d'octobre 1999, les services du ministère de l'économie et des finances ont apporté une nouvelle preuve de la sous-évaluation des recettes fiscales. Si l'on se rapporte aux chiffres publiés par le ministère de l'économie et des finances concernant l'exécution de la loi de finances pour 1999 sur les dix premiers mois de l'année, chiffres parus alors que commençait à l'Assemblée nationale l'examen du collectif budgétaire, la manipulation apparaît évidente.
Ainsi, l'exécution budgétaire à la fin du mois d'octobre 1999 montrait une progression des rentrées fiscales de 9,7 %, soit 8,7 % après remboursements et dégrèvements, donc manifestement supérieure au chiffre prévu en loi de finances pour 2000. Les estimations des services de Bercy apparaissaient donc supérieures de 2 points à celle du ministère de l'économie et des finances.
Cette différence de chiffrage se manifeste d'ailleurs pour l'ensemble des impôts.
Pour l'impôt sur le revenu, le projet de loi de finances rectificative pour 1999 présenté en première lecture à l'Assemblée annonçait une hausse de 7,1 % des recettes par rapport au budget initial alors que l'exécution affichée fin octobre 1999 enregistrait déjà une progression de 10,1 % par rapport à octobre 1998.
Pour l'impôt sur les sociétés, le Gouvernement annonçait 18,5 % de progression sur l'année. Celle-ci s'établissait déjà à 28,1 % en octobre 1999 par rapport à octobre 1998, soit un écart de 9,6 points.
Mais c'est certainement sur les recettes de TVA que l'absence de sincérité des chiffres annoncés par le Gouvernement apparaît la plus évidente. Alors que la croissance est supérieure à 3 %, voire atteint 4 % en cette fin d'année, que la consommation des ménages est en constante progression selon les déclarations mêmes du Gouvernement, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'a pas hésité à affirmer devant l'Assemblée nationale que les recettes de TVA pour 1999 connaîtraient une importante moins-value : « On note cependant des moins-values sur les autres impôts, que j'ai estimées à 11,6 milliards de francs en particulier sur la TVA. » (JO, Débats Assemblée nationale, 1re séance du 8 décembre 1999, p. 10690.) Or, selon les estimations de recettes de TVA affichées par le collectif en première lecture à l'Assemblée, ces recettes devraient progresser de 24 milliards de francs par rapport à la loi de finances initiale, soit une hausse de 3,8 %. Il convient de plus de rappeler qu'ici encore l'exécution sur les dix premiers mois de l'année 1999 présentée par les services du ministère de l'économie et des finances affiche une augmentation de 4,5 %, soit d'ores et déjà 0,7 point de plus que l'estimation annuelle présentée par le collectif initial.
Le Gouvernement et sa majorité ont d'ailleurs ouvertement reconnu le caractère insatisfaisant de ces évaluations budgétaires.
Ainsi, lors de l'examen du collectif 1999 en première lecture à l'Assemblée nationale, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a déclaré : « Lorsque le Gouvernement évoque une plus-value fiscale de 13 milliards de francs par rapport à ce qui figurait dans la loi de finances pour 1999 votée l'année dernière, cela me paraît une estimation prudente. » (JO, Débats Assemblée nationale, 1re séance du 8 décembre 1999, p. 10705.) Cette prudence a d'ailleurs été confirmée par les propos du rapporteur général de l'Assemblée nationale : « Cette réévaluation des plus-values de recettes fiscales nettes paraît prudente. En effet, lorsqu'on la confronte aux résultats constatés à la fin d'octobre 1999 et à ceux de l'exercice 1998 à la même époque, l'éventualité d'une plus-value plus forte à la fin de l'année ne peut être totalement exclue. » (JO, Débats Assemblée nationale, 1re séance du 8 décembre 1999, p. 10693.)
Prudent mais cependant sûr de son fait, le Gouvernement a, tout en affirmant le bien-fondé de ses évaluations de recettes lors de l'examen en première lecture du collectif 1999 à l'Assemblée, annoncé en substance qu'un nouveau collectif interviendrait dès les mois de mars ou avril 2000. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a en effet déclaré : « J'ai pris l'engagement devant le président et le rapporteur général de la commission des finances, ainsi que devant l'ensemble de la représentation nationale, de faire le point au mois d'avril lorsque nous aurons les vrais chiffres de 1999, c'est-à-dire lorsque nous connaîtrons les recettes des mois de novembre et décembre. S'il apparaît à ce moment-là que le Gouvernement a été trop prudent, nous pourrons alors envisager une baisse de la taxe d'habitation pour l'an 2000. » (JO, Débats Assemblée nationale, 1re séance du 8 décembre 1999, p. 10705.)
Il n'aura pas fallu attendre l'expiration de ce délai pour que le Gouvernement réévalue à la hausse les plus-values de recettes fiscales pour 1999. A la veille de l'examen en lecture définitive de la loi de finances pour l'année 2000 par l'Assemblée nationale, il a, en effet, subrepticement présenté un amendement au Sénat réévaluant ces ressources de plus de 10 milliards de francs. L'introduction de cet amendement devant le Sénat contrevient en outre manifestement à la priorité d'examen donnée à l'Assemblée nationale en matière budgétaire par l'article 39, alinéa 2, de notre Constitution. Compte tenu de l'ampleur de la modification apportée au collectif, une lettre rectificative aurait de plus paru nécessaire.
En conséquence, en augmentant de 10 milliards de francs le chiffre des plus-values de recettes pour 1999 initialement fixé à 13 milliards, le Gouvernement déclare 23 milliards de francs en plus-values de recettes brutes 99. Il convient d'en déduire les 5,2 milliards de dispositions fiscales applicables dès le 15 septembre 1999, soit un solde après dégrèvements et remboursements de 17,8 milliards de francs. Or, il convient de souligner que lors de son intervention devant le Sénat sur le collectif budgétaire, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a indiqué que ce projet de loi avait été élaboré en novembre « avec une réévaluation de recettes de 10 milliards de francs ». Si l'on tient compte de ce chiffre, les plus-values annoncées pour l'exercice 99 par le Gouvernement ne seraient plus que de 20 milliards, soit en recettes nettes de 14,8 milliards de francs.
Dans les deux cas, le chiffre du Gouvernement reste inférieur à l'estimation la plus basse de notre calcul sur la base de la corrélation constante entre l'exécution au mois de juillet et celle de fin d'année et correspond, au plus, à la moitié de notre option haute. Or, compte tenu de l'état d'avancement de l'exercice budgétaire, l'hypothèse la plus haute apparaît aujourd'hui la plus probable du fait du fort taux de croissance observé ces derniers mois, 4 % en rythme annuel selon les déclarations du Gouvernement.
Par ailleurs, les raisons invoquées par le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 1999 au Sénat, pour affirmer le bien-fondé de son amendement, ne permettent pas de justifier cette manipulation et l'atteinte manifeste ainsi portée aux droits du Parlement.
Le ministre de l'économie a ainsi indiqué que le collectif « a été préparé en novembre avec une réévaluation des recettes de 10 milliards de francs. Depuis, nous avons une vision plus précise des recouvrements supplémentaires ».
Si le Gouvernement a établi l'équilibre financier du collectif en novembre, comment a-t-il pu continuer à se fonder, lors du débat en première lecture à l'Assemblée (8 décembre 1999) sur les chiffres de recouvrement du 31 août 1999 et non sur les chiffres d'exécution des dix premiers mois de l'année, fournis dès le début du mois de décembre par ses services et donc connus au moment de l'élaboration de ce collectif ?
Comment justifier d'avoir attendu la veille de l'examen définitif de la loi de finances pour 2000 à l'Assemblée, pour déposer cet amendement de réévaluation au Sénat, alors que, dès l'examen de ce texte en première lecture à l'Assemblée, le Gouvernement bénéficie des éléments d'information nécessaires à cette réévaluation ?
La seule raison est la volonté du Gouvernement de se constituer, en sous-estimant les recettes 1999 et donc 2000, une réserve de recettes fiscales, qualifiée par les parlementaires de « cagnotte », au mépris des principes fondamentaux du droit budgétaire d'annualité, d'universalité et de sincérité de la loi de finances.
Le projet de loi de finances rectificative pour 1999 et plus encore l'amendement déposé tardivement au Sénat réévaluant de plus de 10 milliards de francs le montant des plus-values de recettes pour 1999 apporte donc une nouvelle preuve de cette manifeste sous-estimation des recettes 2000.
A cette sous-estimation des plus-values de recettes fiscales pour 1999 s'ajoute une absence d'évaluation de l'évolution des recettes fiscales pour l'exercice 2000
Un rapide comparatif des chiffres fournis par la loi de finances pour 2000 et la loi de finances rectificative pour 1999 concernant l'évaluation des ressources fiscales brutes sur les trois exercices budgétaires 97, 98, 99 et des prévisions gouvernementales pour 2000 apporte la preuve de la sous-évaluation manifeste des recettes fiscales de l'exercice à venir.
En effet, les recettes fiscales brutes se sont établies en 97 à 1 682 milliards de francs.
Elles ont été de 1 769 milliards en 98 avec une croissance de 3,2 %, soit une progression de 87 milliards de francs.
En 1999, en tenant compte des seules évaluations du Gouvernement, elles devraient s'établir, en incorporant l'amendement de réévaluation de 10 milliards de francs présenté au Sénat, à 1 871 milliards avec une croissance de 2,7 voire 2,8 %. La différence avec 1998 serait donc d'au moins 92 milliards de francs.
Or la loi de finances pour 2000 prévoit 1 877 milliards de francs de recettes fiscales brutes, soit 6 milliards de francs de plus que les évaluations de recettes fiscales 99 présentées par le Gouvernement en fin d'exercice budgétaire.
Il convient de rappeler que la loi de finances pour 2000 se fonde sur une croissance soutenue aux alentours des 3 % et que l'ensemble des organismes d'analyse économique situe la croissance de la France pour 2000 aux alentours des 3,5 %. Comment peut-on alors expliquer qu'avec une croissance équivalente à celle de 98 et supérieure à celle de 99, la progression des recettes 2000 serait presque dix fois moins élevée que celle de 99 ? La seule explication est l'absence totale d'évaluation fiable des recettes fiscales par la loi de finances 2000. Au-delà même du principe de sincérité, c'est l'existence même du volet recettes de la loi de finances qui est ici remise en cause.
2. Le volet « dépenses » de la loi de finances pour l'année 2000, notamment l'évaluation du nombre d'emplois publics, connaît lui aussi des mécanismes de sous-évaluation remettant en cause la sincérité de la loi de finances :
L'ordonnance organique du 2 janvier 1959 précise, comme nous l'avons déjà souligné, dans son article 1er que la loi de finances initiales doit retracer l'ensemble des recettes et dépenses de l'exercice. Son article 32 rappelle en outre que, sur le volet dépenses, la loi de finances est accompagnée d'un certain nombre d'annexes explicatives qui, concernant les mesures nouvelles, doivent justifier « des modifications apportées aux services votés, notamment les crédits afférents aux créations, suppressions et transformations d'emplois ».
A la lecture de la loi de finances pour l'année 2000, le Gouvernement présente, en apparence, un nombre d'emplois publics stable par rapport à celui de 1999. Cette stabilité affichée est justifiée par une importante politique de « redéploiements » des effectifs pour l'exercice 2000, comme cela avait été également en 98 et 99.
Or cette apparente maîtrise des effectifs de la fonction publique d'Etat dissimule en réalité la création, en trois exercices budgétaires, de 120 000 emplois publics, qui ne respecte pas les termes de l'ordonnance de 1959.
A l'appui de cette analyse, il convient de considérer les manipulations manifestes intervenues dans la gestion des emplois publics au sein du ministère de l'éducation nationale.
Plusieurs techniques de dissimulation ont en effet été ainsi mises en oeuvre. La première consiste à rémunérer des surveillants « sur crédits ». Ce dispositif permet ainsi de dégager artificiellement des postes budgétaires utilisés pour procéder au recrutement de nouveaux surveillants. Pour la loi de finances pour 2000, 4 270 emplois équivalent temps plein supprimés sur le chapitre 3193, article 60, et réintégrés sur un chapitre qui ne comptabilise pas d'emploi en principe. Il convient de plus d'ajouter à ces 4 270 postes les 1 000 nouveaux surveillants recrutés directement « sur crédits ». Les représentants des personnels de l'éducation nationale, notamment la Fédération syndicale unitaire, ont d'ailleurs dénoncé ces manipulations que le ministre de l'éducation nationale a, lui-même, implicitement reconnues dans le journal Le Monde du 24 novembre 1999.
De même, 5 000 « emplois-jeunes » payés intégralement sur le budget de l'Etat sont inscrits au budget 2000 sans pour autant que des postes budgétaires aient été comptabilisés à cet effet. Ils s'ajoutent aux 60 000 aides éducateurs recrutés selon le même mécanisme par l'éducation nationale en 1998.
Il convient également de signaler que 27 000 maîtres auxiliaires sont, dans le cadre de la loi de finances pour 2000, rémunérés par des crédits d'heures, alors qu'ils bénéficient d'un contrat permanent.
Enfin, une pratique de plus en plus courante consiste à recruter plus d'enseignants lors d'un concours que le nombre de postes autorisés par le Parlement par l'utilisation de procédés contractuels. Ce mécanisme concerne aujourd'hui plus de 10 000 agents.
Pour le seul secteur de l'éducation nationale, il s'agit ainsi de près de 100 000 emplois non budgétisés officiellement.
Mais l'éducation nationale n'a pas le monopole de telles pratiques. Ainsi, le ministère de l'intérieur affichera en 2000 un effectif de 20 000 agents de sécurité dont 4 150 recrutements supplémentaires pour le prochain exercice budgétaire. Or, alors que la loi du 16 octobre 1997 a qualifié ces personnels d'agents de droit public, ceux-ci ne sont pas comptabilisés en tant que tels par la présente loi de finances. De même, 2 000 agents de justice seront (en 2000) recrutés en tant qu'agents de droit public sans pour autant être comptabilisés dans les emplois de ce ministère.
Or, il convient de rappeler que l'article 1er de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 précise que « les créations et transformations d'emplois ne peuvent résulter que de dispositions prévues par une loi de finances ». Cette absence d'intégration de ces emplois publics dans la loi de finances pour 2000 est donc contraire aux dispositions de l'ordonnance de 1959 dont la valeur supralégislative a été reconnue par le Conseil constitutionnel selon une jurisprudence constante depuis sa décision no 60-8 DC du 11 août 1960 relative à la taxe radiophonique.
De plus, lors de l'examen de la loi de finances pour 1995, le Conseil constitutionnel a rappelé que toute dépense de l'Etat à caractère permanent doit nécessairement figurer dans la loi de finances (5e et 6e considérants de la décision no 94-351 du 29 décembre 1994).
Or, le caractère permanent de la dépense de personnels est évident, en ce qui concerne les maîtres auxiliaires bénéficiant d'un contrat permanent ou le recrutement d'enseignants en surnombre par rapport aux autorisations votées par le Parlement.
Quant aux diverses utilisations du dispositif dit « emplois-jeunes » pour assurer des missions de service public, le caractère temporaire de ces contrats ne doit pas justifier l'absence de prise en compte de ces agents de droit public dans le budget de l'Etat. Ceci est d'autant plus évident que le Gouvernement vient d'annoncer le lancement d'une réflexion sur la redéfinition des frontières de la fonction publique pour tenir compte de ces emplois et donc en assurer la pérennité.
Ainsi tant sur le plan de l'évaluation des recettes que sur celui des charges permanentes de l'Etat, la loi de finances pour 2000 porte des atteintes manifestes au principe constitutionnel de sincérité budgétaire et donc aux pouvoirs de contrôle du Parlement. Or, pour que le Parlement puisse exercer effectivement ce contrôle, il doit être correctement informé. Pour cela, il convient que les prévisions contenues dans les documents budgétaires qui lui sont fournies soient suffisamment crédibles, ce qui n'est manifestement pas le cas pour la loi de finances pour 2000.
Mais l'absence de sincérité de la loi de finances pour 2000 ne se manifeste pas uniquement au niveau des prévisions budgétaires, elle entache également la fonction d'autorisation de la loi de finances, c'est-à-dire le consentement de l'impôt par les représentants de la nation.
B. - Non-respect par le budget 2000 des principes constitutionnels d'unicité et d'universalité de la loi de finances remettant en cause la sincérité même de la loi
Dans le cadre de l'analyse des prévisions de recettes pour 2000, il a été précédemment démontré la sous-évaluation manifeste, de la part du Gouvernement, des recettes fiscales brutes du prochain exercice. Or, l'une des causes premières de cette sous-estimation découle des changements importants d'affectation des recettes fiscales pour l'année à venir.
Comme le souligne, en effet, le rapport du sénateur Philippe Marini dans son tome I relatif « au budget 2000 et à son contexte économique et financier (p. 96-97) », si la loi de finances pour 2000 n'affiche une progression de recettes brutes que de 6 milliards de francs, les recettes effectives pour cet exercice devraient « progresser de 39 milliards de francs par rapport aux évaluations révisées de 1999 » sans tenir compte des 10 milliards de francs de recettes supplémentaires annoncées dans le cadre du collectif.
L'explication de cette importante différence de chiffrage se trouve dans le transfert de 45,2 milliards de francs de recettes fiscales au bénéfice de la sécurité sociale, alors que la loi de finances pour 2000 ne réintègre au budget de l'Etat, pour se conformer aux prescriptions de la Cour des comptes et du Conseil constitutionnel dans sa décision no 97-393 DC du 18 décembre 1997, que 1,7 milliard de recettes fiscales (une fraction de la taxe sur les bureaux en Ile-de-France de la totalité de la taxe sur les installations nucléaires de base, et d'autres taxes affectées) et de 8,9 milliards de francs de recettes non fiscales au titre des fonds de concours.
La loi de finances pour 2000 procède donc, de toute évidence, à une débudgétisation massive des ressources fiscales en totale contradiction avec deux des principes fondamentaux de notre droit budgétaire, l'unicité et l'universalité de la loi de finances.
Le principe d'unicité se définit en effet comme l'obligation faite au Gouvernement de présenter dans un seul et même document, en l'occurrence la loi de finances, l'ensemble des recettes et dépenses budgétaires.
Affirmé dès l'origine de notre droit budgétaire moderne, il est mentionné à deux reprises par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 et a donc, comme elle, une valeur supralégislative :
Article 2 de l'ordonnance : « La loi de finances de l'année prévoit et autorise, pour chaque année civile, l'ensemble des ressources et dépenses de l'Etat » ;
Article 18 : « L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général. »
Le principe de l'universalité budgétaire affirmé de manière constante depuis les ordonnances de 1817 pour les recettes et 1822 pour les dépenses et aujourd'hui par l'article 18 de l'ordonnance distingue, quant à lui, au sein de ce budget unique les recettes et les dépenses. Les ressources fiscales doivent ainsi être regroupées en une seule masse affectée au financement de l'ensemble des dépenses. Il a pour corollaire le principe de non-affectation des recettes fiscales ainsi défini par l'ordonnance du 2 janvier 1959 : « Dans tous les autres cas (hors budgets annexes, comptes spéciaux du Trésor), l'affectation est exceptionnelle et ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances, d'initiative gouvernementale. Aucune affectation n'est possible si les dépenses résultent d'un droit permanent reconnu par la loi. »
Ces deux principes n'ont pour seuls objectifs que d'assurer, d'une part, la clarté de la loi de finances et, d'autre part, le contrôle efficace du Parlement sur les finances publiques.
Or, la loi de finances pour l'année 2000 méconnaît ces deux principes :
1. Le non-respect du principe d'unicité : la loi de finances 2000 ne dresse pas un tableau exhaustif des recettes et dépenses de l'Etat :
Si l'on analyse, en effet, les recettes et dépenses prévues par la loi de finances et la loi de financement pour l'année prochaine, on constate en effet un mouvement massif de transferts de recettes du budget de l'Etat vers celui de la sécurité sociale.
Selon les éléments concordants des rapports budgétaires sur ces deux textes, la loi de financement de la sécurité sociale bénéficiera ainsi de 60 milliards de recettes fiscales, se répartissant en 15,4 milliards de francs de nouveaux prélèvements et 44,6 de transferts de la loi de finances ainsi répartis :
II. - Plusieurs articles spécifiques doivent également être déclarés non conformes à la Constitution en ce qu'ils contreviennent à certains de nos principes fondamentaux
A. - L'article 22 relatif aux fusions de sociétés doit être déclaré non conforme à la Constitution pour incompétence négative du législateur
Cet article réforme en effet le régime des fusions de sociétés défini depuis la loi no 65-566 du 12 juillet 1965 et prévu par l'article 210 B. Ce dispositif permet aussi aux entreprises de procéder à certaines restructurations (fusions, apports partiels d'actifs, scissions) sans qu'il en résulte une imposition. L'accès à un tel dispositif résultait, jusqu'à la présente loi de finances, de l'octroi d'un agrément ministériel.
L'article 22 de la loi de finances 2000 fait de ce régime fiscal d'exception le régime de droit commun pour toute cession dans laquelle la société bénéficiaire de l'apport s'engage à conserver, pendant trois ans, les titres reçus en rémunération de son apport et à calculer la plus-value de cession sur ces titres par rapport à la valeur notifiée dans ses écritures des actifs apportés. Dans ce cadre, l'obligation d'agrément ministériel est dorénavant supprimée.
Si par contre l'opération de fusion ne répond pas à ce double engagement, le bénéfice de ce régime fiscal nécessitera l'octroi d'un agrément ministériel délivré, sous conditions que :
1. L'opération visée est justifiée par un motif économique, se traduisant notamment par l'exercice, pour la société bénéficiaire, de l'apport d'une activité autonome ou l'amélioration des structures, ainsi que par une association entre les parties ;
2. L'opération n'a pas comme objectif principal, ou comme un de ses objectifs principaux, la fraude ou l'évasion fiscale ;
3. Les modalités de l'opération permettent d'assurer l'imposition future des plus-values mises en sursis d'imposition.
A la seule lecture des conditions ainsi énoncées, leur caractère particulièrement large et subjectif soumet l'octroi de l'agrément au seul pouvoir discrétionnaire du ministre, qui aura donc, comme dans le régime antérieur, une totale liberté de l'accorder ou de le refuser.
En effet, aucune précision n'est apportée dans l'article de la loi de finances, sur les critères économiques qu'utilisera l'administration fiscale pour apprécier le bien-fondé économique de l'opération et de l'effectivité des objectifs poursuivis en termes d'autonomie de l'activité concernée et d'amélioration des structures de la société. Or ces critères doivent être remplis pour justifier du respect de la 1re condition d'agrément fixée par la loi.
De même, la condition selon laquelle « les modalités de l'opération doivent permettre d'assurer l'imposition des plus-values mises en sursis d'imposition » paraît contradictoire. En effet, l'imposition des plus-values résulte, à l'évidence, des déclarations auxquelles sont astreintes les entreprises concernées et non aux conditions même de l'apport partiel d'actif. Or, ces obligations déclaratives sont définies par le 3 de l'article 210 A qui renvoie expressément à l'article 210 B.
En conséquence, le caractère imprécis ou trop vague des conditions justifiant l'octroi de l'agrément permet de redonner, implicitement, la totalité de son pouvoir d'appréciation à l'administration fiscale.
Or, dans sa décision no 87-237 DC du 30 décembre 1987 relative aux agréments fiscaux, le Conseil constitutionnel a rappelé qu'« à défaut d'autres critères fixés par la loi, l'exigence d'un agrément n'a pas pour conséquence de conférer à l'autorité ministérielle le pouvoir, qui n'appartient qu'à la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution, de déterminer le champ d'application d'un avantage fiscal (...) la fixation des règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ».
Le nouveau régime des fusions de sociétés défini par l'article 22 de la loi de finances pour 2000 méconnaît cette obligation d'exercice pleine et entière de la compétence par le législateur, et doit, en conséquence, être déclaré non conforme à la Constitution pour incompétence négative.
B. - L'article 59 de la loi de finances 2000 instaurant une contribution fiscale sur la cession à un service de télévision des droits de diffusions des manifestations ou compétitions sportives à hauteur de 5 %
Cet article crée un prélèvement de 5 % sur les droits de retransmission télévisée des manifestations sportives et physiques afin d'alimenter le Fonds national pour le développement du sport.
La justification de l'établissement de cette nouvelle imposition donnée par le Gouvernement est d'assurer une certaine péréquation des ressources entre les différentes fédérations.
Le secrétaire d'Etat au budget a indiqué lors de l'examen de cet article en première lecture à l'Assemblée nationale (JO, Débats Assemblée nationale, 3e séance du 22 octobre 1999, p. 8018) qu'il s'agissait d'une « mutualisation d'une partie des recettes ». Ce terme de mutualisation employant traditionnellement dans le cadre de mécanismes d'assurance volontaire est étonnant en matière fiscale. Par ailleurs, le ministre a indiqué que cette mutualisation doit permettre de rétablir une « certaine égalité entre fédérations sportives ».
Or, comme l'a souligné, dans son rapport au Sénat, M. Philippe Marini (rapport no 89, 1999-2000, tome II, fascicule 1, p. 425 à 430), si les besoins des clubs sportifs amateurs existent réellement, cette nouvelle imposition qui pénalisera fortement le sport professionnel devrait rapporter, en année pleine, 150 millions de francs. Or, le nombre des clubs amateurs dans notre pays est d'environ 171 000. Le produit de la taxe rapporté au nombre de bénéficiaires se limiterait à quelques centaines de francs par club.
Ce chiffre démontre à lui seul que la création de cette nouvelle imposition ne permettra pas, contrairement aux déclarations du Gouvernement, de rétablir ne serait-ce qu'une certaine égalité de moyens entre les différentes fédérations sportives et ne répond donc pas à l'objectif d'intérêt général censé en justifier la nécessité.
Cet article doit en conséquence être déclaré comme non conforme à la Constitution au motif qu'il ne respecte pas le principe constitutionnel de nécessité de l'impôt.
C. - L'article 94 de la loi de finances ne respecte pas le principe de l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme
Cet article fusionne les différents régimes d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux des particuliers, substitue au régime du report d'imposition en vigueur un sursis d'imposition et modifie les modalités d'exercice du contrôle fiscal sur ces opérations.
Si l'objectif de simplification de notre législation fiscale ainsi opérée est louable, il convient de s'interroger sur la non-prise en compte dans ce nouveau régime d'imposition de la situation familiale du contribuable.
En effet, l'article 13 de la déclaration de 1789 affirme clairement le principe de la proportionnalité de l'impôt aux capacités contributives du redevable. Ce principe de proportionnalité a d'ailleurs été, à maintes reprises, réaffirmé par la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel. Or, la non-prise en compte par l'article 94 de la loi de finances pour 2000 de la situation familiale du contribuable contrevient à ce principe constitutionnel.
D. - L'article 96 instituant une nouvelle taxe sur les activités commerciales saisonnières est contraire au principe d'égalité devant l'impôt affirmé par les articles 13 et 14 de la déclaration de 1789
Cet article a en effet pour objet de permettre aux communes d'instituer une taxe due par toute personne exerçant une activité saisonnière non salariée, à caractère commercial, sur leur territoire.
Il convient tout d'abord de rappeler que le Conseil constitutionnel a déjà eu à se prononcer à deux reprises sur la constitutionnalité de telles taxes :
Décision no 98-402 du 25 juin 1998 relative à la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier de 1998 qui a considéré que l'amendement instituant cette taxe ayant été présenté après la réunion de la commission mixte paritaire était en conséquence inconstitutionnel au regard des dispositions de l'article 45 de notre Constitution ;
Décision no 98-405 du 29 décembre 1998 sur la loi de finances pour 1999 qui a rappelé « qu'il appartient au législateur, sur le fondement de l'article 34 de la Constitution, de fixer les règles de recouvrement des impositions de toutes natures » et que « le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence qu'il tient de la Constitution ». L'article doit donc, « sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, être regardé comme contraire à la Constitution ».
Or, l'article 96 de la loi de finances comporte d'importantes imprécisions en matière de recouvrement et de modalités d'imposition. En effet, la taxe, lorsqu'elle s'exerce exclusivement dans un véhicule, est à la charge du conducteur. Or, il s'agit d'une situation de fait et non de droit. Ce dispositif aurait dû prendre en compte non le conducteur mais le propriétaire du véhicule ou le titulaire du contrat de location.
Le dispositif de l'article 96 de la loi de finances pour 2000 apporte certes certaines précisions sur les modalités de recouvrement de cette nouvelle imposition. Cependant, ce nouveau dispositif apparaît contraire au principe de proportionnalité de l'impôt aux capacités contributives du contribuable et au principe d'égalité devant les charges publiques.
En effet, le calcul de cette nouvelle taxe se fera sur la base de la superficie du local accueillant l'activité saisonnière. Or, la superficie d'un local est totalement indépendante des facultés contributives des redevables.
De même, l'article 96 exonère de cette taxe sur les activités saisonnières les redevables de la taxe professionnelle exerçant traditionnellement dans la commune. Si ce dispositif a pour objectif d'éviter qu'un même contribuable ne soit imposé deux fois sur son activité par la commune, l'imprécision du texte adopté permet de s'interroger sur les risques de détournement que pourrait comporter cette exonération. En effet, elle pourrait permettre à tout contribuable ayant son activité principale dans la commune de s'exonérer de la taxe sur les activités saisonnières pour toute activité saisonnière alors même qu'elle ne serait pas en rapport avec l'activité principale exercée dans la commune. Cette disposition introduit implicitement une préférence communale et une discrimination vis-à-vis des autres contribuables exerçant le même type d'activité saisonnière. De plus, un tel dispositif risque d'entraîner des fraudes par le biais de prête-noms.
Par ailleurs, l'exonération de la taxe pour les redevables de la taxe professionnelle sur le territoire communal est valable de manière générale, alors que le dispositif de l'article 96 ne tient pas compte de la durée d'installation de l'activité sur le territoire. En conséquence, un commerçant saisonnier qui procédera à trois opérations sur l'année, se verra imposer trois fois au titre de cette taxe sur la même activité, alors que, dans le même temps, l'exonération du paiement de la taxe bénéficiant au contribuable communal est justifiée par la volonté de ne pas imposer deux fois la même activité. Il y a donc manifestement une contradiction entre ces deux argumentations conduisant à créer une inégalité devant l'impôt.
Il convient donc de déclarer l'article 96 de la loi de finances pour 2000 non conforme à la Constitution.
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Pour l'ensemble de ces motifs, et notamment sur celui de la non-sincérité, les députés soussignés demandent au Conseil constitutionnel de déclarer la loi de finances pour 2000 non conforme à la Constitution.
(Liste des signataires : voir décision no 99-424 DC.)